La pollution du Falémé

La rivière Falémé, vecteur de pollution

25 juillet 2018  par Mamadou Togola

La rivière Falémé, principal affluent du »fleuve Sénégal , est de plus en plus polluée par l’orpaillage illégal. Face à la situation, les populations des 21 villages de la Commune Rurale de Faléa, regroupées au sein de l’association Action Solidarité Faléa (ASFA 21) ont commandité une étude scientifique pour mesurer l’ampleur de cette pollution de la Falémé et alerté l’opinion.

L’obstruction, l’envasement et la déviation des cours d’eau dus à l’érosion des berges, le drainage des boues des cracheurs et les rejets des dragues. L’utilisation des produits chimiques, des huiles de vidange, carburant et autres liquides pour le fonctionnement ou l’entretien des machines. La Falémé est «absolument» menacée par la pollution. L’Ingénieur des Eaux et Forêts, Guimba Diallo, est ferme là-dessus. Dans l’étude, commandée par l’association « Action Solidarité pour les 21 villages de Falèa (ASFA21) et publiée en mars 2018, sous le titre «Rapport d’étude sur les différentes sources de pollution de la Falémé et de ses affluents dans les communes de Dabia, Faléa, Faraba et Kéniéba (dans le Cercle de Kéniéba)», le consultant note que l’orpaillage et les produits chimiques sont les principales sources de pollution de la Falémé.

L’or à tout prix…

Dans le Cercle de Kéniéba, l’orpaillage constitue la principale source de revenu des populations. Depuis 2013, le phénomène s’est accentué par l’arrivée des orpailleurs étrangers avec des produits chimiques, hautement toxiques, dont le mercure et le cyanure. Par le mécanisme de l’extraction, les dagues en général et celles à godets en particulier rejettent d’énormes quantités de matériaux qui forment des monticules et des ilots dans le lit des cours d’eau. Pendant la saison sèche, tous les orpailleurs se tournent vers la Falémé. Pour mener l’étude, l’enquêteur a effectué des prélèvements à plusieurs endroits de la Falémé. Aussi des eaux de forages ont été prélevées dans des villages environnants notamment à Diaka, Trondolito, Faléa, Djoulafoundo et dans un puits à Diaby.

Les résultats sont inquiétants dans plusieurs localités: à Yalla, la coloration de l’eau atteint 90 200 Platino-cobalt (Pt-Co) alors que la norme au Mali est de 25 Pt-Co; dans la même localité, l’Alcalinité de l’eau est de 427,53 Mg/l alors qu’elle doit être inférieure à 150 Mg/l; à Mahinamine, la quantité de fer détectée dans l’eau est sept fois et demie supérieure à la normale.

«La présence de ces métaux dans notre organisme est très grave», Aly Thiam hydro-sédimentologue

Aujourd’hui, on estime à 600 dragues dans la seule commune de Kéniéba. Le Chef de service de l’Assainissement de la localité affirme avoir compté, une fois, 63 dragues sur une distance de 530 m. Ici, ce n’est les nuisances sonores qui inquiètent le plus les populations mais la pollution de l’eau. Faute de poissons, les pêcheurs ont tronqué leurs instruments contre les outils d’orpailleurs. Ils ne sont pas les seules victimes de cette pollution. Dans le village de Moussala, les maraîchers ont renoncé à l’utilisation de l’eau de la Falémé, rapporte le consultant.

L’arsenic, le cuivre, le fer, le plomb, le mercure, l’alcalin,… constituent, selon Aly Thiam, Chef de Section Sédimentologie du Laboratoire National des Eaux du Mali, des métaux lourds. «La présence de ces métaux dans notre organisme est très grave. Car, ces métaux sont capables de causer de graves problèmes de santé en interférant avec le fonctionnement biologique initial», s’inquiète l’hydro-sédimentologue. A fortes concentrations dans le corps, les métaux lourds remplacent ou substituent, explique-t-il, les minéraux essentiels; ils ont un effet antibiotique, ce qui augmente la résistance des bactéries; ils neutralisent aussi les acides aminés utilisés pour la détoxication et causent des allergies.

«La Falémé est un bien commun, il faut une solution commune et novatrice», Nouhoum Keita, directeur exécutif de l’ASFA21

Pour la protection des cours d’eau, le ministre malien des Mines a édicté une circulaire pour l’interdiction des dragues sur les cours d’eau. La mesure pourtant diffusée sur la télévision nationale et les radios de proximité est très peu suivie d’effets sur le terrain. Pour Nouhoum Keita, directeur exécutif de l’ASFA 21, ce n’est pas en interdisant aux orpailleurs maliens d’exercer que le problème sera durablement résolu. «La Falémé, indique-t-il, est un bien commun, il faut une solution commune et novatrice». Pour une réponse commune, le militant associatif évoque une collaboration avec une ONG sénégalaise, HYPERLINK « https://www.onglumiere.org/ »La Lumière. Aussi, Keita indique un partenariat avec la coopération allemande au Mali à travers le PAGIE/GIZ Mali pour l’insertion de nouvelles méthodes d’extraction artisanal de l’or au Mali sans utilisation de produits chimiques mais à l’aide de « concentrateurs à spirales ».

En plus de ses mesures, Guimba Diallo préconise des solutions locales. Pour le consultant, il faut: créer un cadre de concertation animé par un membre de la société civile et renforcer les capacités des acteurs locaux. Aussi, l’ingénieur des Eaux et Forêts conseille la création de centres de lavage des minerais. La fréquentation de ces centres, indique-t-il, permettra l’utilisation contrôlée des produits chimiques et une gestion plus rationnelle des eaux usées. Ces centres serviront également de lieux de diffusion de techniques d’extraction de l’or sans utiliser des produits chimiques.

Un texte de Mamadou Togola pour https://www.scidev.net/afrique-sub-saharienne/